Quelle alternative pour sauver le Liban ?

Compte rendu de la conférence de presse
du secrétaire général du Parti Communiste Libanais

Après une minute de silence pour les martyrs de l’armée, tombés dans le combat contre le terrorisme
 
Je voudrais, tout d’abord, exprimer la solidarité de notre parti avec l’armée nationale dans son combat contre cette manifestation du terrorisme qui a trouvé dans notre pays un climat propice à sa formation et son développement.
Oui, ce terrorisme a pu se former à cause de l’existence du confessionnalisme destructeur, mais aussi des divisions politiques aiguës. Il a trouvé dans les luttes confessionnelles une grande ouverture, et a su mettre à profit l’absence d’une autorité compétente et unifiée dans les camps des réfugiés palestiniens ainsi que les luttes intestines en Palestine. De plus, les forces de sécurité et de contre-espionnage au Liban étaient beaucoup plus préoccupées de suivre les divisions des forces politiques et confessionnelles, ce qui a laissé le Liban désarmé devant la tempête soulevée en Irak par le fait du projet étasunien et israélien dont nous découvrons, chaque jour, la portée mortelle pour notre région arabe.
 
Et si l’agression perpétrée en juillet 2006 avait montré que le gouvernement libanais était lié complètement à l’agenda du projet étasunien pour la région, dans l’objectif de l’utiliser pour des fins intérieures libanaises, la poursuite d’une telle ligne jusqu’à ce jour montre que ce gouvernement voudrait rattacher notre situation économique et politique et notre avenir tout entier à la victoire de ce projet. C’est ainsi que se comprennent les déclarations faites, dernièrement, en France et en Europe par Fouad Sanioura, surtout à la suite de sa rencontre avec Condoleeza Rice, ministre étasunienne des Affaires étrangères. C’est ainsi que se comprennent également les positions prises et les obstacles mis devant les possibilités de parvenir à une solution à la crise qui sévit dans notre pays depuis 2004, date du vote de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU, et dont les complications nouvelles ont permis les attentats du mois dernier qui ont tué des dizaines de civils et de militaires, dont les soldats espagnols de la FINUL...
 
Le gouvernement Sanioura et le projet étasunien
 
Donc, le gouvernement (non légal) montre clairement, une fois de plus, les liens qui l’unissent au projet de Washington. Et si les dirigeants de l’administration Bush, dont C. Rice, expriment toujours leur admiration vis-à-vis de Fouad Sanioura, c’est pour affirmer leur entière confiance quant à son attachement à exécuter leurs moindres désirs et à leur donner une illusion de victoire au moment où ils ne récoltent que des échecs.
 
Mais si l’on comprend pourquoi le gouvernement de Sanioura suit le projet américain, nous comprenons moins l’attitude de l’opposition traditionnelle qui, au lieu de faire face aux exigences de la situation intérieure par l’adoption d’un projet démocratique généralisé, est tombée dans des projets de divisions confessionnelles du pouvoir. Ce qui a diminué sa popularité et permis à la majorité d’abuser de l’exacerbation de la situation confessionnelle. Ainsi, l’opposition tient une part de la responsabilité dans la situation actuelle, mais aussi dans l’importance prioritaire accordée aux clauses régionales et internationales dans la solution du conflit intérieur.
 
L’internationalisation du conflit, dans une telle situation, ouvre les portes du pays à l’inconnu et à tous les dangers qui s’y rattachent. Nous disons cela, parce que nous croyons que la crise est arrivée aux limites du point de non-retour et la solution préconisée par les forces politiques de la majorité et de l’opposition, à savoir le retour à une formule modernisée de la solution de partage confessionnel de 1943, est incapable de mettre fin à la crise. Bien au contraire, elle risque de l’envenimer, surtout que le confessionnalisme est la cause première des explosions cycliques qui se muent rapidement en guerres civiles.
 
Sur cette base, nous disons que le Liban a, désormais, besoin de mettre un terme final à des solutions qui visent à redorer l’image confessionnelle ou à la traiter de « compromis historique » impossible à contourner. Ne nous suffit-il pas tous les maux que nous avons endurés depuis l’Indépendance ? Voilà pourquoi nous appelons notre peuple à une autre alternative qui assied une solution stable, après avoir reconquis le Liban des griffes de ceux qui le divisent. Une solution qui met les assises d’une unité nationale solide et qui sauvegarde le Liban des conséquences du projet étasunien qui, disons-le hautement, n’a rien de démocratique et ne prend nullement en considération les intérêts des peuples de la région, comme le prétendent ceux qui l’ont mis au point.
 
Quelle alternative pour sauver le Liban ?
 
L’alternative à laquelle nous appelons, depuis plus d’un an, est basé sur une prise de position claire face à l’abstention du pouvoir politique, ou plutôt à son refus, tant durant la tutelle syrienne qu’actuellement, de mettre en application les clauses réformatrices contenues dans l’Accord de Taëf. Surtout aujourd’hui, où nous voyons clairement certains recoupements entre les positions prises par l’opposition et le gouvernement illégal sur la redistribution du pouvoir sur des bases confessionnelles.
 
Parce que seule une nouvelle alternative non confessionnelle pourrait donner un dynamisme politique nouveau et créer les conditions nécessaires au développement de la démocratie qui éloignera le fantôme des guerres et des divisions.
 
Cette alternative est la seule qui mettra fin à la crise des institutions constitutionnelles : la présidence, le gouvernement et la représentativité erronée au sein du parlement, à cause de la loi électorale qui lui a donné naissance, plus connue, depuis l’an 2000, sous le nom de « loi de Ghazi Kanaan », représentant militaire du régime de tutelle syrienne.
 
Elle se résume dans les points suivants :
 
1. La démission du gouvernement Sanioura, ou ce qui en reste.
 

2. La constitution d’un gouvernement de transition ayant un objectif de salut national.

 

3. La démission du président de la République qui donnera ses prérogatives au gouvernement nouveau.

 

4. Le gouvernement transitoire promulguera une nouvelle loi électorale, sur la base de la proportionnelle et en dehors de tout équilibre confessionnel, et formera la Commission nationale pour la suppression du confessionnalisme, en accord avec les directives de l’Accord de Taëf. Quant aux confessions religieuses, elles seront représentées dans une seconde chambre, le sénat, créée à cet effet.

 

5. Sur la base de la nouvelle loi électorale, des élections législatives anticipées permettront une meilleure représentativité et aideront à élire un nouveau président de la République.

 

6. La remise en marche du Conseil économique et social, la remise en question des résultats de la « Troisième conférence de Paris » et la mise au point d’un programme qui pourra réaliser un certain équilibre économique et social et qui sera basé sur la suppression de toutes les formules entraînant la paupérisation.

 

7. La création du Conseil constitutionnel et l’étude d’un plan de réforme généralisée, dont le premier point sera l’indépendance du pouvoir judiciaire.

 

8. La mise à exécution de ce qui a été entendu durant les réunions de dialogue de la majorité et de l’opposition à propos des relations libano syriennes. Il n’est plus, en effet, permis de soumettre les deux peuples, cycliquement, aux dures épreuves dues aux deux modes qui ont toujours régi les relations entre les deux pays, à savoir : la tutelle ou la guerre. Nous avons besoin, plus que jamais, de redéfinir les relations entre la Syrie et le Liban sur des bases de souveraineté et d’indépendance réelles, et à partir d’une coopération formulée à travers des réunions entre les représentants de la société civile dans les deux pays.

 

9. Une sérieuse coopération avec les forces palestiniennes présentes au sein de l’OLP et l’Alliance nationale palestinienne, afin de constituer une autorité unifiée capable de garantir les meilleures relations libano palestiniennes.

 

10. Quant au problème concernant le conflit libano israélien et arabo-israélien, la solution se trouve dans un dialogue national concernant le rôle de la résistance populaire, sa relation avec l’État et l’armée, la liquidation des séquelles des agressions israéliennes, surtout les conséquences de ces agressions contre les gens, l’eau, la terre... Sans oublier la nécessité d’une coopération sur le plan arabe à cet effet. Ainsi, nous sortirons le problème des armes de la Résistance hors du bazar politique intérieur et des complots des États-unis pour le mettre dans son cadre véritable lié à l’aspiration de notre peuple dans la libération.

 
 

Non aux « deux gouvernements »

 
Nous considérons positivement les initiatives qui se succèdent. Mais nous pensons qu’elles n’auront aucun impact réel sur la situation, parce qu’elles ne se démarquent pas, toutes, de la situation régionale ou des tentatives de remettre sur pied le régime des quotas confessionnels.
 
Et, ironie du sort, certaines de ces initiatives nous viennent de pays qui prétendent défendre les valeurs de la laïcité, de la république et de la démocratie, tandis que leur politique « libanaise » se base sur le soutien du régime confessionnel...
 
De plus, nous pensons que la volonté pour certains de créer un second gouvernement, face à celui de Sanioura, est tout aussi dangereux que le refus de Sanioura de présenter la démission de son gouvernement. Parce que les deux alternatives seront désastreuses sur l’entité du pays.
 
A partir de tout ce qui vient d’être dit, nous appelons le peuple libanais, les ouvriers et les paysans, les jeunes, les femmes, les intellectuels, à faire face aux dangers qui menacent leur pays, et ce à travers toutes les formes d’action possibles démocratiquement . Nous appelons les Communistes à mettre en œuvre toutes leurs capacités afin de protéger la paix civile.
 
 
Beyrouth, le 29/6/2007
Avec la complicité de Marie Nassif-Debs
http://www.aloufok.net/article.php3?id_article=3996
 
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