Mur, mur...
(Badia Benjelloun)


Mur, mur ...

Du plus loin
la beauté criante de l’ocre  illumine
la transparence céleste
dispute
annonce le geste épuisé
du char de sa chenille

les collines éversées
mises à nu
épilées
pleurent leur faune en cet après-midi

je suis de la même eau
que ce lézard et les mille fourmis
qui contournent les décombres

et j’apprends la grammaire nouvelle
du point de suspension,
de l’arrêt devant le mirador
de l’attente
de l’interrogation impérative

quatre mentons imberbes
trois éruptions acnéiformes
donnant sept kalach en bandoulière
et quelques heures dévolues
à mon apprentissage de cette langue de l’occupant

leur face ne dispose que d’ yeux aveugles
quand se dispose
dans la retenue le long défilé de mon silencieux
hurlement
ma proue en figure fend
l’impropre arrogance
casquée sur la barricade

et j’épèle la sonorité inoxydable des lames acérées
sur le fil enroulé
aux pieds de la morne muraille

et on m’inculque une langue
qui me sépare de mon chez-moi
me nomme autrement mon pays
quand elle ne l’arase ni ne le travestit
en labyrinthes étroits

de la plus reculée des heures
la même lumière blonde
tisse la douceur de ma terre
fleurit l’olive et l’orange

et j’apprends cette ponctuation étrange
de béton de bitume de tours
césures
éperons qui lacèrent
mes jours
griffent mes nuits

je suis de cette glaise et de cette peau
mon ultime poussière
mon plus infime atome
le clament
sur parchemin et amphores

avec aleph et beith
je suis de cette terre,
je suis de ce ciel,
je suis de ce feu ,de l’ insoumis, du résistant

 
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