Du journal d'une irakienne
(Randa Sabry)


 

Des couleurs de Bagdad, je remplis mes regards
Avant qu’un ciel d’obus ne crève nos paupières,
Des parfums de Bagdad, je remplis mes narines
Avant que noirs poisons n’enténèbrent nos rues,
Des rythmes de Bagdad, je berce tout mon corps,
Je caresse mon beau luth qui s’apprête à se taire,
Et prépare mon courage à la folie des cris,
A l’hystérie de la mitraille et à la nuit.

Ma mort est décrétée et ma patrie fertile
Où palmes et poésie ont saveur de sublime,
Ils la veulent ravagée au nom de liberté,
Ma mort est décrétée comme celle de milliers d’autres.
Dans nos bras amoureux qui rêvaient d’enserrer
Tout le bonheur de vivre, ils nous offrent à presser
Poussière de désastre et pauvres corps brûlés.

Des hommes importants ont décrété ma mort,
Bouche qui tranche et tue, torse de matamore,
Parole qui ment et qui jubile et fait la roue -,
Sachant que leur rengaine est raison du plus fort
Et que leur soif de sang et que leur faim de loup
Vont pouvoir s’assouvir à la prochaine aurore.

De leurs salons dorés, ils pourront applaudir
Au chaos de nos villes et moi qui vais mourir
Je prépare mon courage aux douleurs inhumaines
Et remplis mon regard des visages que j’aime.

 

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