De Aïta Ach-Chaab... au "Grand Moyen Orient"
La
nouvelle guerre israélienne contre le Liban (12
juillet-14 août 2006) a constitué un tournant dans
la politique de guerre adoptée par les États-unis à
la suite du 11 septembre 2001 et appelée "politique
des guerres préventives" ; cette politique avait
pour point de départ l’Afghanistan, suivi par l’Irak
et, ensuite, par la Palestine, le Liban et, enfin,
le Soudan... Sans oublier les sérieuses menaces
proférées contre la Syrie et l’Iran.
Et
si les guerres "préventives" des États-unis ont pris
pour emblème "la suppression du terrorisme", et si
leurs instigateurs ont toujours profité de la
présence importante du "lobby" sioniste américain et
du sectarisme religieux qui exprime, en réalité, une
position ultra-droite, les objectifs réels des
nouvelles tendances agressives de l’administration
américaine (que certains appellent "la
mondialisation militaire") résident dans la volonté
de dominer une région, le monde arabe en
l’occurrence, d’une grande importance stratégique :
elle lie trois des cinq continents ; son sol recèle
de richesses naturelles sans précédents (pétrole et
gaz) et elle a assez d’eau et beaucoup de soleil qui
constituent, comme on dit, les deux sources futures
d’énergie... A cela, s’ajoute un atout majeur :
cette région est facilement "contrôlable",
puisqu’elle contient - selon les théoriciens
américains des années soixante du siècle précédent -
tous les éléments permettant son implosion en des
dizaines de mini-Etats antagonistes, soit à cause
des contradictions ethniques et tribales toujours
prêtes à s’envenimer ou, encore, des divisions
confessionnelles qui continuent à sévir depuis le
septième siècle et qui divisent la région en deux
"croissants" qui partent de l’Afghanistan pour
aboutir en Palestine et au Liban : le "croissant"
chiite, qui commence à l’Est de l’Afghanistan, puis
traverse l’Iran, le Sud de l’Irak et les régions
"alaouites" de la Syrie avant d’aboutir au Liban, et
le "croissant" sunnite qui lui fait face presque
complètement.
I. Le
"Nouveau Moyen Orient"
Cette image, même très schématique, met, cependant,
en lumière les éléments essentiels qui ont poussé
les États-unis, durant les deux administrations de
Georges W. Bush, à revenir au projet mis au point
par le ministre des Affaires étrangères durant les
années soixante-dix, le Républicain Henry Kissinger.
Ce projet s’était basé sur la réorganisation du
Moyen Orient en général et des pays arabes en
particulier sur la base de nouveaux petits Etats
antagonistes, réunis seulement autour de leur
protecteur américain et de son bras armé dans la
région, Israël. Surtout que ce dernier avait pu,
durant les années soixante et soixante-dix du siècle
précédent, affaiblir et vaincre les Arabes,
profitant pour cela du régime officiel arabe et de
ses positions hésitantes quant aux droits du peuple
palestinien au retour et à construire un Etat
indépendant sur son territoire national.
Il
faut dire aussi que le projet du "Grand Moyen
Orient"(ou du nouveau Moyen Orient) s’était,
d’abord, basé sur la politique du "pas-à-pas" mise
au point par Henry Kissinger et ayant déjà fait les
preuves de son efficacité dans la division du monde
arabe, surtout qu’elle avait poussé le président
égyptien Anouar Sadate à signer une paix séparée
avec les Israéliens. Ajoutons à cela que les succès
acquis ont induit en erreur les États-unis qui,
après avoir neutralisé l’Égypte, ont réussi,
d’abord, à pousser l’Irak dans une guerre féroce
avec l’Iran, puis à diviser les Etats arabes qui
entourent Israël (La Jordanie, la Syrie, le Liban et
la Palestine) : en effet, à la suite du congrès de
Madrid, l’OLP (Organisation de Libération de la
Palestine) fut orientée sur une autre voie que nous
avions appelée "Gaza-Jéricho : le commencement et la
fin"[1]. Des conflits arabo-arabes avaient pris
aussi le devant de la scène tandis que les pouvoirs
arabes mis en place pratiquaient la répression à
outrance contre les peuples qui furent, une fois de
plus, rayé de possibilité de participer au combat
contre les agressions israéliennes et que le "Front
de la résistance nationale libanaise" contre
l’occupation israélienne (créé en 1982) se voyait
persécuté dans le but de donner à la résistance
l’image confessionnelle qui faciliterait,
pensait-on, son encerclement. Tout cela se passait
alors que le Liban était terrassé par une guerre
civile très meurtrière qui a duré plus de quinze ans
et durant laquelle les États-unis, même après le
départ de l’OLP, en 1982, avaient joué un rôle de
premier plan très bien exprimé par Henry Kissinger,
dans le dernier volume de ses Mémoires[2].
Tels sont les mesures préliminaires prises dans le
but de réaliser le projet qualifié, dernièrement,
par des adjectifs différents, tels : le "grand"
Moyen Orient, "élargi" et "nouveau", enfin... Quant
à sa carte géopolitique, elle ne diffère pas
beaucoup de celle mise au point par Kissinger,
surtout que, cette fois aussi, les deux conditions
qui ont guidé son traçage étaient les divisions
ethniques et confessionnelles.
Cette carte commence par des divisions dans les
républiques islamiques de l’ex Union soviétique.
Elle répartit, ensuite, l’Irak en trois mini -États
et deux régions "indépendantes" (le premier pas est
déjà fait dans la conception de la nouvelle
constitution et dans la mesure "indépendantiste"
prise par les Kurdes). L’étape à venir devrait,
selon le plan, se faire au Liban, puis en Syrie, en
Égypte et au Soudan ; les États du Golfe arabique
sont menacés eux aussi d’un retraçage de leurs
frontières... Tout cela se prépare tandis que les
États-unis avaient fini leur "rôle" dans la région
des Balkans qu’ils ont divisée et où les nouveaux
États créés furent placés sous les directives de
l’OTAN.
Nous pouvons, donc, dire que les États-unis ont,
longtemps même après la chute de l’Union soviétique
et la fin de la "bipolarité", usé de leur nouvelle
situation afin de conduire leurs alliés européens
dans des aventures militaires qui ont profité,
économiquement, à Washington et abouti à étendre la
présence de ses troupes et de ses bases militaires
dans le monde entier, faisant de l’administration
américaine, surtout celle des Bush père et fils, la
maîtresse incontestée de la Planète devant qui tout
et tous se plient, y compris le Conseil de sécurité
des Nations Unies. D’ailleurs, ce dernier n’est plus
d’aucune efficacité, puisque son nouveau rôle
consiste à entériner les diktats et les décisions
des États-unis, afin que ceux-ci puissent mieux
asseoir leur domination sans conteste sur les postes
de prise des décisions, les marchés, les sources
d’énergie et toutes les richesses naturelles dont
notre Planète recèle.
Tout cela est bien visible dans les résolutions et
les décisions prises par le Conseil de sécurité ou,
même, les Nations Unies, mais aussi dans les formes
que chaque intervention avait prises, les moyens que
l’on doit utiliser et le nombre de chaque force de
frappe (ou autre) qui doit opérer sur le terrain.
Nous voudrions rappeler, à titre d’exemple dans ce
domaine, quelques-unes de ces résolutions prises
depuis l’an 1993 et concernant les interventions en
Somalie, en Bosnie, en Afghanistan, au Liban, en
Irak et, il y a quelques jours au Darfour (Soudan)
et aux tentatives d’encercler l’Iran (sur ce plan,
nous nous référons à la résolution que les
Etats-Unis préparent avec les autres grandes
puissances et aussi à ce qui a été dit concernant
des raids aériens élargis sur des objectifs
essentiels n’ayant pas, tous, un caractère
militaire)[3].
Il
faut noter, à ce sujet, qu’à l’exception de la
guerre en Bosnie, toutes les interventions des
Nations Unies ont été élaborées à la suite de
campagnes politiques intenses (accompagnées d’autres
faits par la CIA et d’autres services de sécurité
occidentaux "alliés") ayant pour emblème "la lutte
contre l’axe du Mal" représenté, comme dit la
nouvelle terminologie, par "le terrorisme islamique"
ou, encore, "le fascisme islamique" que Georges W.
Bush lia, dernièrement, au "communisme", terme
oublié depuis le début des années
quatre-vingt-dix[4].
II. La
guerre américano-israélienne contre le Liban
Ces raisons et ces objectifs, essentiels pour les
États-unis, surtout la suppression de toutes formes
de résistance (armée, notamment) contre le nouveau
régime mondial et son homologue sur le plan arabe,
le "Grand Moyen Orient", sont à la base de
l’agression menée par l’administration de Georges
Bush contre le Liban, par l’intermédiaire d’Israël.
Nous disons "intermédiaire", parce que le rôle du
gouvernement présidé par Ehoud Olmert s’était
limité, d’après tout ce qui a été dit et écrit, à
mettre les plans exécutifs d’un projet mis au point,
il y a plus de trois ans, par les responsables de
"la sécurité nationale" américaine, sous la
direction de Donald Rumsfield, vice-président des
États-unis[5]. D’ailleurs, le gouvernement israélien
avait dit ouvertement que c’est l’administration
américaine, représentée par la ministre des Affaires
étrangères Condoleeza Rice, qui a imposé la
poursuite des hostilités, même après les échecs
cuisants de l’armée de terre israélienne. De plus,
c’est cette même administration qui a fixé le
cessez-le-feu, après avoir imposé au Conseil de
sécurité son point de vue concernant le contenu et
l’exécution de la résolution 1701, puisqu’elle a
accepté la poursuite du blocus aérien et maritime du
Liban... jusqu’à l’application par le Liban du
contenu des paragraphes 11 et 14 concernant le
déploiement des forces internationales nouvelles
dans les ports et l’Aéroport international de
Beyrouth[6]. Et nous pensons que les États-unis
continueraient à créer des problèmes au Liban
jusqu’à ce que le gouvernement libanais cède à
propos de "la nécessité de déployer les forces
multinationales sur les frontières avec la Syrie" et
aussi de leur participation à la prise des armes du
Hezboullah, afin que John Bolton, représentant des
États-unis à l’ONU puisse dire : nous avons gagné
par la diplomatie ce que nous avions perdu dans le
combat...
Quant aux causes de l’agression contre le Liban,
elles sont nombreuses. Certaines ont rapport avec la
situation libanaise intérieure ; d’autres sont liées
à ce qui se passe en Palestine et dans certains pays
arabes, l’Irak en particulier, ou régionaux, tel
l’Iran.
1.Nous pouvons résumer les "causes libanaises" comme suit :
• Détruire la Résistance islamique (et réquisitionner les armes en sa possession) et, surtout, mettre fin à toute action de résistance maintenant et à l’avenir... Sans oublier l’objectif de mettre la main sur les armes des palestiniens vivant au Liban (non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur des camps).
• "Nettoyer" la région libanaise se trouvant au Sud du Litani de toutes les armes lourdes et à longue portée. Cela doit être accompagné d’un retour à l’Armistice (1949) qui spécifiait la présence, dans cette région, d’un effectif militaire réduit et utilisant des armes légères ; ce qui permettrait à Israël d’opérer des raids et des incursions au Liban sans avoir à se préoccuper de la situation des "colonies" du Nord. Il faut dire que ce que nous trouvons étrange dans tout cela, c’est le fait que certaines parties du regroupement appelé "14 février" aient pu insister sur ce même point...
• En finir avec la revendication concernant la "libanité" des fermes de Chebaa et des hauteurs de Kfarchouba, vu que ces zones ont une importance stratégique et économique vitale pour les Israéliens qui profitent pour asseoir leur occupation de ces terres libanaises de la position ambiguë de la Syrie, d’une part, et des allégations de certains hommes politiques de la "majorité" que ces fermes sont syriennes.
• Soutirer, à nouveau, l’eau des fleuves libanais se trouvant au Sud du Litani, vu que cette eau est vitale pour le développement de l’agriculture israélienne, en particulier les arbres fruitiers. Et nous sommes à même de dire que c’est la compétition entre les produits agricoles libanais et ceux d’Israël sur certains marchés, qui a poussé Israël à brûler de grandes surfaces de terres cultivées, non seulement dans le Sud et la Békaa Ouest, mais aussi dans les régions de la Békaa du centre et du Nord (où a eu lieu le massacre d’Al-Qaa)... De plus, l’aviation israélienne a fait des raids contre les canaux d’irrigation le long du fleuve Litani, détruisant même les canalisations à l’intérieur des champs irrigués, surtout dans la Békaa Ouest. Le but : détruire les récoltes et, aussi, d’interdire aux Libanais, pendant un certain temps, de pouvoir profiter de l’eau du Litani, ce qui renforcerait les "justificatifs" avancés et selon lesquels : Israël soutire l’eau du Liban parce que cette eau n’est pas utilisée et qu’elle se jette ...dans la mer[7].
• Aider certaines forces "alliées" d’Israël dans le milieu politique libanais afin qu’elles puissent poursuivre les changements qu’elles n’ont pas pu faire lors de la guerre de 1982 ; ce qui permettrait le retour du Liban dans le giron américain qu’il avait quitté dans les années soixante du XX° siècle, par suite de plusieurs faits arabes et internationaux, dont les plus importants furent : le rôle joué par Jamal Abdoul-Nasser, après la Révolution du 4 juillet 1952, la Résistance palestinienne et, aussi, le changement positif qui s’était opéré dans les relations entre le mouvement nationaliste arabe et le mouvement communiste, tant à cause du rôle joué par le Parti Communiste libanais dans la Résistance contre l’occupation (la création de la "Garde nationale", en 1969, et la participation active à la création des "Forces des partisans", en 1970) que grâce à l’appui de l’Union soviétique à la cause des peuples arabes...
•
Pousser le Liban à signer des accords avec Israël au
terme de quoi il accepterait de garder une partie
des Palestiniens qui vivent sur son territoire...
Surtout que le projet américain à ce propos, sur
lequel se sont entendus les responsables de la
seconde administration de Georges W. Bush, consiste
à utiliser la politique de "transfert" de 70 000
familles palestiniennes en Jordanie et en Irak, à
raison de 7000 familles par ans et pendant dix ans,
tout en mettant au point un nouveau "Plan Marshall"
pour effectuer ce "transfert" en toute quiétude[8].
2. Quant aux causes "régionales" de l’agression, elles se résument comme suit :
• La cause la plus importante est celle liée à la situation en Palestine. En effet, la tentative israélienne de mettre fin à toute résistance armée au Liban, et à celle du Hezboullah en particulier, aurait pu avoir des répercussions "positives" sur la réalisation du plan israélien concernant la liquidation par le feu et le sang de l’Intifada. Surtout que la guerre contre le Liban a attiré à elle toutes les attentions (les médias, en particulier) ; ce qui a facilité au gouvernement israélien toutes ses actions meurtrières contre le peuple palestinien, à Gaza surtout, où des centaines de personnes furent tuées et blessées, des maisons détruites et des personnalités politiques emprisonnées sans que cela soulève des réactions sur le plan international.
• La seconde cause réside dans la guerre menée en Irak où l’escalade au Liban fut accompagnée de la recrudescence des violences dans toutes les régions, mais surtout dans les régions "chiites", prenant de plus en plus l’aspect d’une guerre civile. Sans oublier les pratiques violentes des soldats américains et les arrestations par centaines qu’ils opèrent dans la population civile sous les prétextes les plus futiles.
• A cela s’ajoutent toutes les raisons données par Georges Bush, dans ses discours, et aussi les déclarations des membres de son équipe, sur le fait que la guerre contre le Liban est l’avant-propos d’une autre, plus généralisée, contre ceux qui, dans la région, "aident le terrorisme". Deux États furent nommés à plusieurs reprises : l’Iran et la Syrie. Dans cette perspective, l’équipe de Bush et ses supporters au Liban ont argué, pour expliquer l’attaque contre le Liban, de la présence d’un "agenda" mis par l’Iran à partir de son influence sur le Hezboullah afin de déstabiliser la région. Ainsi, ils croyaient atteindre d’une pierre deux coup : Le premier visant la Résistance qui prend, alors, l’image, non d’un mouvement de libération, mais celle d’une troupe mercenaire à la solde d’une puissance régionale ; le second consistant à démontrer que l’Iran est un pays qui appuie le "terrorisme", d’où il serait dangereux de ne pas lui couper toutes les voies lui permettant l’acquisition de la bombe atomique déjà détenue par Israël.
A
cette lumière venant de l’intérieur et de
l’extérieur, nous pouvons mieux voir que le Liban
était pris comme champ d’expérience dans le but de
lancer la deuxième phase du projet du "Grand Moyen
Orient" afin de faire le pendant à la poursuite de
la première qui doit se répandre hors de l’Irak vers
l’Arabie Saoudite et l’Iran. Ainsi s’expliquent les
paroles de la ministre des Affaires étrangères des
États-unis, Condoleeza Rice, qui a dit, répondant à
ceux qui lui parlaient des souffrances du peuple
libanais et des massacres perpétrés contre les
civils, les enfants surtout : Ce sont les douleurs
de l’enfantement d’un nouveau Moyen Orient... Une
telle position n’a pas besoin d’une longue
explication pour en saisir le contenu criminel.
III. Les
résultats et les conclusions
L’agression israélienne a échoué dans ses objectifs
"libanais" du fait du regroupement du peuple autour
de la Résistance, même si des tentatives politiques
ont eu lieu dans le sens de rendre cette Résistance
responsable de tous les maux causés par Israël. Ces
tentatives se sont, surtout résumées dans des
"déclarations" faisant de l’agression une "réaction"
répondant à des "actions" dont la dernière était
l’enlèvement des deux soldats israéliens dans le but
de libérer ceux des Libanais restés dans les prisons
israéliennes... Bien que de nombreux journaux,
américains, aient parlé de la préparation de cette
guerre comme une préparation de longue haleine, y
compris dans le choix de ses objectifs et son
déroulement (fixé à trois semaines). Ce qui a changé
la situation, c’est l’échec de l’armée israélienne à
appliquer le plan et sa défaite devant quelques
centaines de résistants...
Nous ne parlerons pas, ici, des bombardements (qui
ont rappelé ce qui s’était passé en Bosnie), ni les
bombes interdites, ni même la mort de plus de 1300
personnes, dont 900 femmes et enfants que les avions
israéliens avaient poursuivis à l’intérieur des
abris, mais aussi dans les ambulances et tous les
moyens de transport. Nous nous contenterons de dire
que ce prix, lourd, payé par le Liban, a abouti
aussi, vu la résistance de son peuple, à
déstabiliser la société israélienne qui s’est
trouvée, pour la première fois, dans l’œil du
cyclone, du fait de la riposte du Hezboullah. De
même, cette résistance a mis en échec les plans
américains concernant l’ouverture d’un front autre
que celui de l’Irak devant le Projet du Moyen Orient
nouveau (même si l’action des séparatistes kurdes de
déclarer "l’indépendance" de leur région menace de
revenir à des hostilités nouvelles dans cette
région). Ce front est, bien entendu, le Liban que le
projet de Kissinger, adopté par l’équipa de Bush,
divisait en quatre cantons, après lui avoir ajouté
quelques territoires pris en Syrie et une petite
part du Nord de la Palestine occupée.
Nous disons, donc, que la guerre
américano-israélienne contre le Liban n’a pas pu
réaliser ses objectifs. Cependant, cet échec ne
constitue pas un obstacle devant les visées des
États-unis et d’Israël qui vont chercher par tous
les moyens à exécuter leur projet qui date depuis
plus de trente ans déjà. Surtout qu’ils profitent
d’un appui total et inconditionnel de la part de
toutes les grandes puissances occidentales qui sont
unanimes quant à l’aide devant être apportée à
l’agresseur (Israël) contre la victime (le Liban).
Cette aide transparaît dans le contenu de la
résolution 1701 qui rend le Hezboullah responsable
de tout ce qui s’est passé entre le 12 juillet et le
13 août 2006 et qui, par l’ambiguïté de son contenu,
a permis à Israël d’avoir recours au blocus et lui
permet de mener des "actions défensives" (puisque le
paragraphe 1 de la résolution parle de l’arrêt des
actions "offensives") que son gouverneur explique
par des possibilités de "nouveaux raids contre le
Liban" jusqu’à ce que le gouvernement libanais
accepte, au dépens de sa souveraineté, le
déploiement des forces internationales sur tout son
territoire afin qu’elles contrôlent, non seulement
les frontières avec la Syrie, mais aussi le reste du
Liban, contrairement au mandat qui lui fut accordé.
Nous pensons que le futur proche, à la suite de la présentation du rapport du secrétaire général de l’ONU concernant l’application de la résolution 1701 et les fermes de Chebaa, connaîtra le début de nouvelles tentatives visant à porter un coup à la résistance et aussi à toutes les forces anti-américaines. Pour ce faire, les États-unis vont s’appuyer sur deux bases :
• La première, intérieure libanaise, à partir de l’accentuation des pressions sur la Résistance, afin qu’elle rende les armes et qu’elle se replie sur la position "politique".
•
La seconde, internationale, à travers les forces
internationales présentes au Liban qui seraient
"priées" d’exécuter des tâches non stipulées par la
résolution 1701 qui pourrait être amendée ou, même,
changée, à la suite du rapport de Monsieur Kofi
Annane, dans le sens des seuls intérêts israéliens.
Le
Liban et la région arabe (et moyen orientale) se
trouvent devant des développements nouveaux pouvant,
selon la poursuite de l’échec du projet américain
ou, au contraire, son succès, opérer des changements
qualitatifs pour des dizaines d’années à venir. Il
est, donc, nécessaire, sinon obligatoire, pour les
forces politiques libanaises qui font face, depuis
1982, au projet américain, de profiter de la période
de trêve actuelle afin d’étudier la situation à
venir et de mettre au point un plan pouvant lui
faire face.
Le
premier pas sur cette voie consiste à faire une
analyse de toute la période précédente, surtout à la
suite de la libération de la bande frontalière du
Sud, le 25 mai 2000, et cela sur tous les plans : la
situation socio-économique et la participation des
forces politiques à la solution des problèmes dans
ces domaines, l’opposition aux projets visant à
reprendre au mouvement populaire les quelques acquis
qu’il avait réalisés et, surtout, les visions du
changement démocratique et le plan qui permet sa
réalisation.
Cette révision nécessite une étude sérieuse sur les
deux plans politique et socio-économique, appliqués
par le gouvernement de Fouad Sanioura, et en premier
lieu les élections législatives et tous les projets
présentés dans le but de changer la loi électorale
en vigueur au Liban et de parvenir à des réformes
véritables (pour ne pas dire radicales) au sein du
régime politique libanais. Parce que ce que nous
demandons, c’est de faire avancer les "ententes"
conçues jusqu’à ce jour entre plusieurs forces de
l’opposition dans le sens d’un programme commun
pouvant profiter de la victoire de la Résistance et
de tous les sacrifices du peuple libanais afin de
construire la "patrie" libanaise libérée de tous les
quotas et les divisions, surtout sur le plan
confessionnel ; ces divisions qui, depuis 1975 (pour
ne pas dire : depuis la Commune d’Antélias, au
milieu du XIX° siècle), ont affaibli le Liban et
permis toutes sortes de tutelles sur son peuple.
Ce
que nous voulons, c’est un Liban indépendant et
souverain de toutes les tutelles, proches ou
lointaines. Un Liban arabe, non en paroles
seulement. Un Liban pour les masses laborieuses,
tant dans les villes que dans les campagnes. Le
Liban des droits de l’Homme et où la discrimination
est absente, surtout à l’encontre des femmes. Un
Liban, enfin, où les jeunes, les intellectuels et
les créateurs peuvent produire en toute liberté...
C’est ainsi que nous comprenons la Résistance contre
Israël et ses protecteurs aux États-unis ... C’est
ainsi que nous avons appris à résister, tant dans la
Résistance nationale qu’islamique. Et si nous
utilisons ces qualifications, ce n’est pas pour
faire de différence entre les résistances. Pour
nous, il n’y a aucune différence entre ceux qui
luttent pour la liberté, à quelle tendance
idéologique appartiennent-ils.
Marie NASSIF-DEBS
Beyrouth, le 5/9/2006
Notes
[1] Article de Marie Debs paru dans la revue "An-Nidaa", au printemps de 1993.
[2] Henry Kissinger, Les Années du renouveau, chapitre 33 (la guerre civile libanaise et la paix au Moyen Orient), Librairie Fayard, 2000 (pour l’édition française)
[3] A ce sujet, voir les livres publiés, annuellement, par l’ONU concernant les résolutions et les formes d’interventions prises...
[4] Cf. le discours du vice-président américain Donald Rumsfield (du 29 août 2006) et celui du président Georges Bush (un jour plus tard).
[5] Article publié, au milieu du mois de juillet 2006, par le "San Fransisco chronicle" et traduction, dans le journal libanais "As-Safir" d’un rapport de l’Américain Wayne Madison (13 août 2006).
[6] L’ambassadeur américain Jeffry Fieltman avait dit clairement ce point de vue. D’ailleurs, c’est à la suite du consentement du gouvernement libanais, dans sa réunion du lundi 4 septembre, concernant la présence des troupes internationales (dont les Allemands) sur les points de passage maritimes et aériens, et non à cause de la tournée de Kofi Annane (secrétaire général des nations Unies), qu’Israël a décidé de lever l’embargo à partir du jeudi 7 septembre 2006.
[7] Les ingénieurs agronomes du Parti Communiste libanais ont fait une étude sur le terrain, à la suite de la dernière guerre contre le Liban. Dans cette étude (présente sur le site www.lcparty.org), ce problème est soulevé et les dégâts causés à l’irrigation sont estimés à 23 millions de dollars.
[8] Les déclarations de Richard Hellman, chef du "lobby" chrétien, et de Mike Pins, député de l’Indiana, entre 1995 et 2004. On peut lire des fragments de ces déclarations, ainsi que d’autres faits très révélateurs, dans le livre de Barbara Victor intitulé "La Dernière croisade" (paru en 2004).